Entre CAMSP et structures petite enfance

Entre CAMSP et structures petite enfance
04.05.2012 Expériences et initiatives Temps de lecture : 9 min

Educatrice de jeunes enfants en Camsp, mon rôle est d’accompagner les enfants inscrits dans les structures d’accueil petite enfance de proximité.

Sophie Hervé décrit ses fonctions au Camsp de Savoie.

Quelle est votre fonction ?

Je suis éducatrice de jeunes enfants au CAMSP de Savoie (Centre d’action médico social précoce, qui accueille des enfants de 0 à 6 ans) . Mon rôle est d’accompagner les enfants inscrits dans les structures d’accueil petite enfance de proximité.

Quelles sont vos missions ?

 La majorité de mon temps je travaille dans les structures d’accueil petite enfance en accompagnement d’enfants en situation de handicap. Je passe une demi-journée par semaine avec chaque enfant.
Actuellement je fais le suivi de six enfants dont un exceptionnellement à son domicile, son état de santé ne lui permettant pas d’intégrer un groupe. En ce moment, je travaille dans quatre structures différentes. Je peux intervenir assez loin géographiquement du CAMSP, là où vivent les familles.
Je passe au minimum une journée par semaine au CAMSP.
Je participe aux réunions d’équipe, aux réunions de synthèse, d’analyse de la pratique.
J’anime avec d’autres professionnels des groupes d’enfants et des repas thérapeutiques.

Nous sommes deux éducatrices de jeunes enfants, ma collègue est plus directement impliquée dans les activités internes au CAMSP, mais ces activités ont souvent des prolongements à l’extérieur, notre but étant d’intégrer le plus possible l’enfant dans d’autres groupes de structure petite enfance pour des projets construits ensemble.

Quel est l’objectif de votre présence dans la structure petite enfance ?

Faire en sorte que l’enfant soit accueilli au sein du mode de garde collectif le plus proche de chez lui.

Quelles sont vos modalités d’intervention ?

Il y a d’abord toute une phase de préparation en amont.
Le projet émane souvent du CAMSP, et est proposé à la famille, on discute de leurs besoins et de leurs souhaits, on définit les objectifs, notamment permettre la socialisation de l’enfant.
Je fais ensuite connaissance avec l’enfant, je rencontre les parents, puis, dans un deuxième temps, je rencontre l’équipe.
C’est la famille qui prend contact avec la structure. C’est important de respecter sa place en lui laissant faire la démarche.
C’est elle qui fait le temps d’adaptation, je suis là éventuellement en second rôle si la situation est angoissante, si la séparation est difficile.
Je prends ensuite le relais en préparant peu à peu le moment ou l’enfant pourra être accueilli sans moi.

Nous n’intervenons pas dans les structures pour tous les enfants accueillis au CAMSP (agrément pour 60 enfants). Les structures nous sollicitent rarement directement. Cela se fait ponctuellement quand elles accueillent déjà un enfant et qu’elles se sentent en difficulté, le contact est facile si elles m’ont déjà rencontrée lors d’accompagnements précédents.
Selon l’historique des relations avec le CAMSP, il arrive qu’elles demandent à rencontrer des membres de l’équipe : l’ergothérapeute, l’orthophoniste, psychologue, psychomotricienne, kinésithérapeute et je fais alors le lien entre les deux équipes pour faciliter les rencontres.

Comment se passe cette demi-journée dans la structure ?

Ce temps passé dans la structure permet aux parents d’exprimer leurs craintes, leur difficulté à laisser l’enfant en collectivité, la peur qu’il soit mis à l’écart, l’appréhension du regard des autres parents. Souvent ils n’osent pas, au départ, poser leurs questions aux professionnels de la structure, je les amène doucement à aller vers eux.
Ma présence permet de faire la transition entre le CAMSP et la crèche. Je suis disponible pour l’enfant. Je fais le lien, j’évoque ce qui se fait en psychomotricité, j’explique l’appareillage, les soins, les besoins de l’enfant.
Je travaille autour du repas qui est souvent un moment difficile. Je rassure l’équipe mais je suis attentive à leur transmettre tous les éléments nécessaires à la sécurité et au confort de l’enfant.
J’introduis les aides techniques mises en place au CAMSP pour l’installation, la communication, les repas, en faisant des liens entre la garderie et les soins en kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie.
Les parents petit à petit investissent mieux l’équipe ; il y a de plus en plus d’échanges directs entre eux, plus de collaboration.

Quand la séparation est vraiment difficile et l’enfant très angoissé, je l’aide dans son cheminement. Nous travaillons déjà au CAMSP sur ce thème dans un groupe « parents pas loin. » L’angoisse de l’enfant peut se manifester de façon déroutante, et surprendre les professionnels petite enfance. Je prend le temps de contenir l’enfant, de l’envelopper, de le porter, de le bercer. Je chante, je materne beaucoup…

Quand je suis sollicitée pour aller dans une structure, c’est toujours lorsqu’il s’agit d’un accompagnement difficile, quand le handicap est lourd, quand la séparation est problématique… Au départ, je suis beaucoup avec l’enfant, mais mon rôle est de passer le relais à l’équipe, et de m’occuper ensuite du groupe.

Quelle est votre positionnement par rapport à l’équipe ?

L’équipe sait que j’interviens auprès de l’enfant pour les rassurer, pour transmettre ce qui est mis en place par l’équipe du CAMSP (ex : les images pour la communication, les installations).
Quand tout est mis en place, quand l’enfant commence à se faire plaisir, l’équipe de la structure sait que je vais m’en aller.
Je fais toujours une réunion avant mon départ, et je propose ensuite des rencontres ultérieurement pour reparler de l’enfant et de son accueil.
Je ne suis jamais prévue pour effectuer les tâches habituelles d’une équipe. Je sais que quand on commence à me solliciter pour des tâches du quotidien, je peux m’en aller, l’équipe a pris le relais auprès de l’enfant.

Des que possible, je propose que l’enfant aille une deuxième fois dans la semaine dans la structure sans ma présence. Cela me permet d’échanger avec l’équipe sur ce qui se passe, c’est important de ne pas être tout le temps là, l’équipe réagit différemment et s’investit auprès de l’enfant.

Mes accompagnements durent en moyenne entre six mois et un an.

La fin d’un accompagnement se décide au cas par cas, à la carte, en fonction de l’enfant.

Comment travaillez vous avec l’équipe du CAMSP ?

J’ai une journée de présence continue au sein du CAMSP pour participer à la vie de l’établissement et aux réunions.
Je participe aux repas thérapeutiques, à certaines séances avant chaque début d’accompagnement de l’enfant , dès que je peux je passe au moins une fois dans la journée pour faire circuler les informations.
Je m’appuie beaucoup sur les professionnels du CAMSP notamment quand j’ai besoin d’outils. Je rencontre les psychologues pour échanger sur mon travail.

Quand et pourquoi ce poste a t-il été créé ?

Le poste existe depuis 2000, c’était à l’origine un emploi jeune. A la création, les missions étaient dirigées vers une intervention dans les écoles, puis il y a eu la mise en place des Auxiliaires de Vie Scolaire (AVS).
Il a été décidé de travailler en direction de la petite enfance.
Il y avait déjà du lien avec les structures petite enfance, des activités communes étaient déjà proposées.

Quelle évolution voyez-vous dans le temps ?

Je trouve que c’est de plus en plus compliqué, qu’il y a de moins en moins de disponibilité des équipes qui doivent s’acquitter de plus de tâches administratives. On atteint certaines limites parfois.
L’accueil des 3-6 ans ne me semble pas satisfaisant, il faudrait des jardins d’enfants. Les enfants du CAMSP sont parfois grands, ce n’est plus toujours adapté dans le milieu petite enfance.
J’accompagne actuellement un enfant à son domicile, car il est malade, je ne sais pas encore si cela sera une évolution durable ou si cela restera ponctuel.

Nous proposons en général les prises en charge au CAMSP et c’est important pour permettre aux parents de sortir, de rencontrer d’autres familles, mais je vois parfois des parents démunis et je pense que proposer plus de présence au domicile pourrait les aider.

Il faut réfléchir à des nouvelles modalités d’aide mais mes interventions se situeront toujours au plus près de la vie quotidienne des familles en gardant présent à l’esprit que même si je ne travaille pas dans les locaux du CAMSP, je fais totalement partie de l’équipe.

Quels liens avez vous avec les écoles ?

Je vais dans les écoles quand il y a des besoins très particuliers, notamment quand l’enfant va à la fois à la crèche et à l’école. Ce serait très intéressant de travailler avec les AVS. Je vais aux réunions mais il me manque du terrain, de la présence.

Quelques mots de fin…

Mon travail consiste donc à m’occuper de l’enfant concerné mais en lien avec les autres, comme membre du groupe pour laisser la place à l’équipe. Par la suite, l’enfant viendra dans cette structure sans moi, je travaille donc à rendre ma présence inutile…
Tout ça n’est possible que si les parents sont rassurés, vont seuls à la structure pour échanger avec l’équipe, et continuent à y accompagner très régulièrement leur enfant.

Les parents, plus sereins, peuvent alors profiter du temps où leurs enfants sont en sécurité dans une structure pour reprendre une vie sociale souvent bien difficile lorsqu’on est parent d’un enfant qui demande des soins et de la présence.

Le passage en structure petite enfance peut aussi être un préalable à la scolarisation, mon travail permet une prise de conscience de la famille sur l’importance d’une progression qui respecte le rythme de l’enfant afin de préparer au mieux «  une inclusion » en milieu ordinaire.

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