Une relation (pas) comme les autres ?

Une relation (pas) comme les autres ?
04.01.2023 Réflexion sur Temps de lecture : 8 min

Lorsque survient le “handicap” d’un enfant, les frères et sœurs peuvent eux aussi souffrir, s’inquiéter ou simplement ressentir la tension et les émotions de leurs parents. La Platefome Annonce Handicap a édité un livret qui s’adresse aux frères et sœurs d’une personne en situation de handicap quel que soit son âge.

Le livret à l’attention des frères et sœurs « Des mots pour comprendre » qui comprend, sous différents thèmes, un maximum de questions que peuvent se poser des frères et sœurs dans les nombreuses situations auxquelles ils peuvent être confrontés.  Ce livret a été conçu sur base de centaines de témoignages et d’extraits de textes sélectionnés par la Platefome Annonce Handicap. En voici un extrait :

Le rôle de la famille est essentiel dans la formation de la personnalité. Les relations entre frères et sœurs font partie de ces expériences qui laissent en nous des traces indélébiles. Et chaque relation est unique parce qu’elle se tisse entre deux personnes uniques.

Parce que votre frère ou soeur a encore plus de particularités liées à son handicap, votre relation est sans doute… encore plus unique. Plus ou moins éloignée des repères habituels, elle doit trouver son chemin. Il ne vous comprend pas ou ne vous voit pas, ne vous entend pas ou s’exprime difficilement ? Il semble vivre dans sa bulle ? Vous avez dû adapter votre comportement à ses besoins. Vous vous connaissez sans doute tellement bien que vous arrivez à communiquer ensemble, à votre façon. À l’occasion, vous êtes peut-être même pour lui un précieux “interprète” vis-à-vis des personnes qui le connaissent moins bien.

Cette relation peut être très ou trop accaparante, fusionnelle… Il est parfois bien compliqué de trouver une juste distance qui permette à chacun d’être soi-même. Mais une distance vient parfois s’imposer d’elle-même, lorsque les chemins se séparent suite à une orientation vers une structure spécialisée. Quand on perd le contact au quotidien, la relation peut parfois s’appauvrir.

Une relation est rarement à sens unique. Vous apportez certainement beaucoup à votre frère ou soeur. Et, malgré les difficultés (parfois grâce à elles), vous apprenez sans doute aussi beaucoup au travers de cette relation. Face aux situations compliquées, vous développez des ressources inhabituelles.

Vous devez peut-être à votre frère ou soeur des qualités qu’il vous a transmises et vous lui en êtes reconnaissant. Mais parfois, les défis sont trop lourds, les émotions sont trop difficiles à vivre, et cela peut masquer, freiner ou même empêcher les enrichissements réciproques. La relation entre vous n’est sans doute pas égalitaire, comme peuvent l’être ou le devenir les autres relations fraternelles. Et même si elle est peut-être très riche, vous pouvez aussi éprouver une sensation de manque. Surtout si vous n’avez pas d’autres frères / soeurs, vous pouvez avoir l’impression d’être enfant unique, élevé aux côtés d’un autre enfant unique.

Très souvent papa me disait : ‘Tu ne dois pas être gênée de ton frère'. Mon problème c'est que je ne l'accep… enfin pas accepter, ce n'est pas un bon terme, mais c'est que j'ai beaucoup de chagrin que mon petit frère soit comme il est, différent. Je sentais devoir le protéger. Alors quand il a été accepté dans la même école que la mienne, j'étais très attentive à lui et le moindre regard un peu moqueur de la part d'un autre enfant, je ne le supportais pas. Cela me fâchait intérieurement. En même temps, je ne recevais personne à la maison. Je n'ai jamais demandé à inviter une copine. Au fond, j'étais protectrice et en même temps gênée par mon petit frère.

La sœur de Renaud

Je crois que c'est vraiment vers 6 ans que j'ai commencé à comprendre qu'il n'était pas tout à fait normal et que cela pouvait être parfois dur pour moi. Je crois que c'est vers 6 ans que j'ai commencé à être légèrement jalouse de lui, en fait. Je me souviens, quand j'étais petite, j'avais absolument envie d'être grande sœur, comme Mathilde, parce que je voulais aussi quelque part toujours la prendre comme modèle, donc la copier et quand je me suis vraiment rendu compte que Lou était aveugle, j'ai été un petit peu déçue. Mais maintenant je me dis que ce n'est pas parce qu'il est différent que ce que j'imaginais que ce n'est pas mon petit frère et je suis quand même grande sœur, donc je dois quand même m'occuper de lui. Je ne dois pas, si je dois, mais je le fais aussi si j'ai envie, je ne m'oblige pas à l'aider, c'est naturel pour moi.

Eva, 12 ans

J'ai un lien très fort avec ma petite sœur Mathilde. Un lien très particulier nous connecte, un lien presque maternel. On a forcément une relation très différente de celle que je pourrais avoir avec elle si elle n'était pas handicapée mais au final, je n'échangerais cette relation pour rien au monde. Mathilde est attentive à chaque détail, me donne une tonne d'amour à chaque fois que je la vois. C'est la seule personne au monde à remarquer quand j'ai coupé mes cheveux d'un demicentimètre ou quand j'utilise un nouveau mascara. C'est la personne la plus courageuse que je connaisse, en fait, je pense que c'est un peu mon modèle. Elle m'apprend à apprécier chaque instant même les plus anodins, elle m'apprend à relativiser, à être optimiste et à regarder autour de soi pour profiter au mieux de ce que l'on a la chance d'avoir.

Éléonore, 23 ans

J'ai pris en charge la souffrance supposée de ma sœur handicapée et j'ai décidé de la protéger des gens et du monde menaçant. Au début j'ai voulu être comme elle. Je me regardais dans le miroir, je me rétrécissais les yeux et comme ça, moi aussi j'avais un Syndrome de Down. Ce serait plus facile d'être proche d'elle ou, encore mieux, ‘à l'intérieur d'elle'. Je l'absorbais et je marchais devant ses pas, cachant chaque trou qui m'apparaissait comme une difficulté. J'adoptais une position défensive, tous étaient des ennemis d'Inès comme de moi et moi… son sauveur. Je la sentais incapable de surmonter des frustrations, d'être heureuse avec son destin. Je laissais de côté mes affaires pour l'accompagner. La dépendance grandissait et notre relation se limitait à un soin excessif de la part des deux. Aucune n'arrivait à être elle-même. L'autre le lui interdisait. Ça s'est passé ainsi pendant de nombreuses années.

lucie

Quand je suis sorti de la maternelle et que je suis arrivé en CP je me suis rendu compte que j'évoluais différemment de mon frère et je me rappelle, ça a créé un blocage. Je me rappelle, je me disais : “ce n'est pas normal que j'apprenne plus de choses que mon grand frère”. En fait ça a créé un blocage et j'arrivais pas à écrire. J'ai eu du mal à apprendre à écrire et à lire.

un frère de 20 ans

Quand Louis était tout bébé, ma mère et ma grande sœur ne voulaient pas trop que je le touche ou que je le taquine. J'avais à peine 7 ans et je ne comprenais pas pourquoi ce petit frère était si fragile et intouchable. Il était encore trop tôt pour moi d'admettre la réalité de son handicap. Ce n'est que lorsque j'ai pris réellement conscience des limites de Louis, que je me suis sentie très fière d'avoir un frère qui avait quelque chose de plus que les autres. Je me suis dit : ‘C'est lui qui va cimenter notre famille pour toujours'. Aujourd'hui, j'aime observer Louis dans sa vie de tous les jours. C'est la personne la plus gentille et la plus tolérante que je connaisse. Certes, il est un peu dans sa bulle, et il a tendance à aimer la terre entière, mais son humour est décapant. C'est aussi un grand séducteur. Il faut voir comment il roule des mécaniques en me montrant ses beaux muscles, qu'il entretient grâce à des séances de piscine. Le week-end, notre petit plaisir à tous les deux, c'est de regarder une vidéo en mangeant une pizza. Et le monde entier peut bien s'écrouler autour de nous, on s'en moque, on est bien ensemble.

Isabelle, 24 ans, sœur de Louis, 17 ans
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