Quand adoption se conjugue avec handicap…

Quand adoption se conjugue avec handicap…
18.03.2013 Témoignages Temps de lecture : 8 min

Le témoignage d’une famille ayant adopté un enfant à besoins spécifiques…

Je suis Karine Nivelais je vis en couple, nous avons 40 et 45 ans, et 4 enfants qui ont 14, 12, 11 ans et 6 ans. Pour notre troisième enfant, nous nous sommes orientés vers l’adoption.

Nous ne ressentions pas le besoin d’une filiation biologique.

Dans le cadre de la procédure de l’agrément, nous avons cheminé mon mari et moi vers l’adoption d’un enfant dit à besoins spécifiques.Après l’arrivée du troisième, Je me suis investie dans l’association Enfance et Famille d’Adoption, plus particulièrement dans le service des enfants en recherche de famille (ERF). Je suis administratrice à la fédération, et référente des correspondants pour l’ERF. ERF met en relation des postulants qui ont des projets d’adoption ouverts avec des Conseils Généraux qui recherche des parents pour des enfants à besoins spécifiques. Ce service est rattaché à la fédération nationale d’EFA. Depuis 2008, nous avons professionnalisé ce service par l’embauche d’une coordinatrice psychologue, cette dernière est en charge particulièrement des dossiers des enfants pour lesquels nous recherchons des familles, elle se met en lien avec les services sociaux afin d’affiner le bilan d’adoptabilité des enfants, vérifier que le dossier médical est complet. Au vue des moyens accordés aujourd’hui par l’Etat français nous concentrons ce service aux enfants pupilles d’état c’est-à-dire en adoption nationale.

Dans le cadre de l’adoption, le vocabulaire a évolué, nous utilisons la terminologie que l’état emploie. Les « enfants à particularités » sont devenus « à besoins spécifiques ». En règle générale, on s’y retrouve bien, le terme est moins stigmatisant mais il continue à différencier les enfants. En effet, chaque enfant a des besoins spécifiques.

Par enfants à « besoins spécifiques » on entend soit des enfants  grands (plus cinq ans),  soit des enfants en fratrie, soit des enfants avec handicap ou une maladie.

L’Aide Sociale à l’Enfance de chaque département, a en charge les pupilles d’état de son territoire. Le conseil de famille doit faire un projet de vie pour chaque pupille, pour certains l’adoption sera envisagé comme projet de vie. Ce service se met alors en recherche de parents. Lorsque l’enfant a une particularité, il y a une recherche de postulant à l’adoption spécifique. Lorsqu’il y a une petite malformation (bec de lièvre, pied bot…), ils trouvent souvent des postulants à l’adoption dans leur département. Quand ils ne trouvent pas, beaucoup font alors appel soit à notre service ERF soit à  quelques Organismes Agrées pour l’Adoption spécialisés dans l’apparentement d’enfants dits à besoins spécifiques. Ceci permet d’étendre la recherche de parents sur le territoire national.

Le projet d’orienter son désir d’accueil d’un enfant vers un enfant à besoins spécifiques ressort de démarches très personnelles. En ce qui nous concerne, mon mari et moi avions déjà deux enfants « faits maison » sans problèmes de santé. Nous nous sommes orientés vers ce troisième sans ressentir le besoin ni d’une filiation biologique, ni qu’il corresponde à un critère de santé parfait. Nous avions fait évoluer notre modèle d’enfant idéal, nous avions déjà deux expériences et avions pris conscience que l’enfant qui arrive ne ressemble que très rarement à l’enfant rêvé.

Quand on nous a posé la question, est ce que vous accepteriez d’adopter un enfant différent, cela nous semblait possible. On nous a aidé à définir nos limites, de notre côté, nous ne souhaitions pas que l’enfant ait une déficience intellectuelle, mais nous n’avions pas d’autres restrictions. Ce sont vraiment des limites propres à chacun. Nous avons cheminé par questions réponses. Pendant l’agrément, nous avions des entretiens tous les deux mois. Ces temps d’échanges ensemble ont permis de faire mûrir cette idée. Ce temps est appréciable pour définir un tel projet de vie. Sur le moment l’agrément a été vécu comme une évaluation désagréable à vivre, on était beaucoup interrogé sur nos motivations, etc. Mais  avec le recul, on réalise que cela nous a aidé à cheminer.

Dans le cadre de l’agrément, nous avions eu une première information sur les enfants « à besoins spécifiques » ce qui a permis d’initier une première réflexion. J’étais déjà adhérente à l’EFA, et je recevais la revue « Accueil » qui comportait des descriptions de profils d’enfants avec des profils spécifiques. À chaque fois, après une réflexion de couple, nous nous sentions en capacité d’accueillir un enfant avec un tel profil. Cela nous aidé à nous projeter ainsi que les échanges avec d’autres familles qui avaient un parcours similaire.

A l’époque, cela remonte à 12 ans, il n’y avait pas de préparation spécifique. Nous avons été un peu plus interrogés par les services sociaux car nous avions un profil atypique. La plupart des postulants préfèrent des enfants en bas âge sans problèmes de santé. Les travailleurs sociaux étaient perplexes à propos de notre projet de vie. Avec le recul de l’accueil, la première spécificité de notre fils est l’abandon. C’est bien cela qui laisse des traces. Ses malformations ont été prises en charge par un réseau médical, ce n’est pas ça le souci majeur au quotidien. C’est plutôt la blessure primaire de l’abandon, son estime de soi, sa difficulté à créer du lien avec les autres au jour le jour…

Quand l’enfant est « à besoins spécifiques », le processus d’adoption est inversé. Si le bébé n’a pas de problèmes de santé, le conseil de famille fait le choix d’un couple de postulant, les travailleurs sociaux viennent ensuite rencontrer et proposer l’enfant au couple choisi. Alors que dans notre situation, ERF est venu vers nous en nous présentant le profil de l’enfant, nous avons eu une première relation avec la particularité avant que ce soit avec l’enfant. Notre fils avait déjà eu des interventions chirurgicales, d’autres étaient prévues à moyen terme, cela n’a pas empiété sur notre temps de prise de connaissance.Beaucoup de précautions sont prises dans la transmission d’informations du profil de l’enfant afin que les postulants puissent refuser ce projet d’adoption en évitant au maximum qu’ils aient l’impression de rejeter un enfant. Ils doivent se sentent libres et honnêtes avec eux-mêmes : est-ce que c’est gérable pour eux au quotidien. Une fois ses questions répondues, validation du projet par le conseil de famille, la mise en relation peut s’organiser.

Lorsque nous avons découvert notre fils, nous avons oublié les informations médicales,  administratives. Nous avons fait connaissance avec une émotion tout aussi intense que lorsque nous avons découvert le visage de nos autres enfants. Il y a une grande crainte de découvrir ce visage, on se pose plein de questions, est ce qu’on va faire adhésion avec son fils ?

Puis il y a la rencontre, une magie qui se produit.

Nous l’avons accueilli, il avait cinq mois. Neuf mois après son arrivée, une autre intervention chirurgicale a eu lieu, cette première intervention « en famille » a été bénéfique. En effet notre quotidien avec trois enfants était dense et ne permettait pas de se poser et prendre le temps. Par ailleurs notre fils avait connu 4 mois d’hospitalisation et était très docile, il attendait que nous nous occupions de lui mais ne manifestait pas ses besoins. Aussi cette hospitalisation, outre les inquiétudes générées, a permis ce tête à tête nécessaire pour permettre l’attachement. Pour les frères aînés, cela a été l’occasion de découvrir que ce petit frère pouvait mobiliser l’un ou l’autre des parents de façon plus exclusive.

A l’époque, les aînés étaient petits, 4 et 2 ans, nous ne nous étions pas aventurés sur une information des aspects médicaux avec eux, mais nous leur avions expliqué l’adoption. Ils sont venus avec nous le dernier jour à la pouponnière le chercher. C’était étrange pour eux, mon deuxième fils a pris conscience qu’on pouvait abandonner un enfant, il a eu du mal à le vivre, cela a suscité des angoisses. Par la suite, la prise de conscience des problèmes de santé de leur frère s’est faite au quotidien.

Les deux messages principaux que je souhaite adresser aux lecteurs sont que les enfants à « besoins spécifiques » ne sont pas uniquement des enfants en situation de handicap, c’est souvent plus complexe et particulier. De plus, le cheminement ou la préparation principale doit être fait sur les difficultés que peuvent vivre chaque enfant à propos de l’attachement et des conséquences dans le quotidien. Par la suite les problèmes de santé, la France est quand même assez bien dotée pour trouver des prises en charge adaptées.

Consultez notre article donnant adresses et conseils pour se renseigner sur l’adoption d’un enfant handicapé.

Retrouvez le témoignage de Béatrice et Christian qui ont eux adopté un enfant avec une trisomie.

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